Formation | 09.2021

La crise que nous traversons – crise sanitaire, économique, sociale, écologique et ecclésiale – nous fait toucher notre fragilité et notre vulnérabilité, tant au plan personnel que collectif. Or ce temps peut se présenter comme le « moment favorable » (kairos) d’un changement en profondeur. Si « sortir de la crise » signifie pour certain revenir à l’état d’équilibre d’avant, « retour à la normale », l’Evangile nous appelle plutôt à l’audace et à l’espérance, à la conversion et à l’engagement : Le temps est accompli, le Royaume de Dieu s’est approché : convertissez-vous (changez radicalement) et croyez en l’Evangile (Mc 1,15).

Le pape François le rappelle dans son livre récent Un temps pour changer (2020) :

« Dieu nous demande d’oser créer quelque chose de nouveau. Nous ne pouvons pas revenir aux fausses sécurités de l’organisation politique et économique d’avant la crise (p. 18). (…) L’idée que nous pourrons sortir meilleurs de cette crise me remplit d’espérance. Mais il nous faut voir clair, bien choisir et agir correctement (p.20). »

Ce cycle de journées veut nous apporter des éléments pour un discernement ecclésial des attitudes et initiatives favorisant ce changement.

Une crise révèle et accélère. Que montre du christianisme la pandémie ? Va-t-elle accélérer la déchristianisation en cours ? En mettant ainsi le christianisme « à nu », l’épreuve que nous avons traversée oblige à le repenser ; c’est-à-dire, aussi bien, à redécouvrir sa modernité. Mais que peut bien signifier aujourd’hui un christianisme moderne, c’est-à-dire humainement nécessaire ? C’est à ce chantier passionnant et plein d’espérance qu’il nous faut maintenant travailler.

La crise sanitaire a empêché les chrétiens de se rassembler pour la liturgie, jusqu’à l’impossibilité de célébrer ensemble le sommet de l’année liturgie qu’est la Semaine Sainte. Cette situation, qui a provoqué toutes sortes de propositions alternatives, a révélé un rapport à l’Eucharistie et à la messe qui nécessite une réflexion théologique et pastorale. En effet, si l’on tient compte du caractère systémique de la crise, la question n’est pas d’abord la manière de proposer la messe ni les rôles dans la célébration, mais celle du sens que l’Eucharistie donne à nos vies. Si la messe est essentielle pour la vie chrétienne, c’est parce qu’il est vital pour les baptisés d’expérimenter la participation au mystère pascal du Christ, dont la communion sacramentelle est à la fois le signe et la promesse de l’accomplissement plénier du Royaume à venir.

La pandémie du Covid-19 a profondément bouleversé notre société déjà traversée par de profondes crises : emballement climatique, inégalités sociales… Fragilisée par les abus de certains de ses membres, l’Eglise n’est pas épargnée par ces bouleversements.

Pourtant, en veilleur attentif, le pape François nous invite à discerner dans cette période de crise « un temps pour changer ». C’est dans ce sens que nous voulons réfléchir à notre ministère. Le diacre aussi est appelé à être facteur de dynamisme et de changement au cœur de ce monde ébranlé. Comment notre service peut-il être signe de la nouveauté évangélique pour nos contemporains ?

Pour mener à bien notre réflexion nous entendrons le matin les apports des diacres permanents Pascal Marmy (Jura pastoral), Romuald Babey (LGF), Philippe Genoud (Sion) ainsi que l’intervention de Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion. L’après-midi, nous mettrons en commun nos réflexions et expériences afin que notre annonce de l’évangile puisse irriguer nos rencontres par son éternelle nouveauté.

  • Colloque sur la synodalité (3 jours), avec Luc Forestier, Arnaud Join-Lambert, Sr Nathalie Becquart, Barbara Hallensleben, Astrid Kaptijn, Gabriel Monet (organisation en collaboration avec le SEFA), 31 janvier au 2 février 2022, Université de Fribourg

« Le chemin de la synodalité est celui que Dieu attend de l’Eglise du troisième millénaire ». Mot d’ordre utopique du pape François ou vérité évangélique capable de rendre sa vigueur missionnaire à une institution fatiguée ? Les crises que nous traversons se présentent moins comme une fatalité que comme un kairos : un temps favorable pour nous ouvrir à une compréhension renouvelée de l’Eglise et de sa mission au service des communautés chrétiennes et des sociétés. « Vers une Eglise synodale » signifie moins un objectif à atteindre dans le futur qu’une réalité qui émerge déjà, ici et maintenant, dans la vie de nos communautés.

Au cours de trois journées alternant conférences et ateliers, nous verrons comment la vie synodale se rapporte au baptême comme à l’origine des charismes et des ministères, mais aussi comme à la source du « sens de la foi » habilitant chaque baptisé à « participer activement » à la vie de l’Eglise. Dans cette optique, la synodalité se présente comme une manière d’agir, inséparablement trinitaire et communautaire. L’écoute, la parole vraie, le discernement constituent ses modes d’expression authentique. Mais ils ne l’épuisent pas. Car si la synodalité est vie, elle est aussi chemin : ouverture et attention aux situations qui appellent des réponses pastorales nouvelles.

Crise économique, crise écologique, crise sanitaire : ces crises ne sont pas de phénomènes indépendants mais bien au contraire, des manifestations diverses d’une seule et même crise générale de notre modèle de développement. Or il ne s’agit pas une crise conjoncturelle à réparer par des ajustements ponctuels, mais d’une crise structurelle qui interroge les fondements et l’imaginaire de notre conception d’une vie bonne.

Le pape François nous dit qu’il s’agit « d’un temps pour changer » : une opportunité pour imaginer et construire une autre manière d’habiter notre maison commune. Il ne s’agit pas de débloquer le progrès, mais d’en changer la définition. Nous sommes invités à un véritable changement de paradigme. 

Nous interrogerons la représentation du bien-être sous-jacente dans nos modèles de développement et nous identifierons les germes du nouveau possible qui nous invitent à croire qu’un monde nouveau est déjà en gestation.

La vie chrétienne a toujours été comprise comme ayant dans le baptême sa source et sa racine car c’est là que se célèbre la naissance de la créature sous le souffle de l’Esprit qui donne la vie selon Dieu, c’est là que l’on professe la foi que Dieu le Père est l’origine de tout ce qui existe, c’est là que la communauté des chrétiens se réjouit de voir surgir une vocation qui va donner au monde les bienfaits de la rédemption. Notre réflexion nous conduira à approfondir la nouveauté du baptême pour la créature et pour le monde. Nous nous arrêterons surtout sur les implications culturelles du baptême. Dans toute l’histoire de la chrétienté, le baptême n’a jamais été mis en questionnement. Lieu œcuménique par excellence, il nous conduira aussi à contempler l’unité des chrétiens à partir de notre témoignage de la béatitude, de ce don qui nous lie à la Sainte Trinité comme fils dans le Fils, comme saint par l’Esprit qui se verse sur nous. Ce don qui fait des baptisés des créateurs de beauté.

Dans l’institution hiérarchique qu’est l’Église catholique, le pouvoir ministériel est devenu peu à peu, à travers les siècles, une sorte d’englobant pour les pouvoirs religieux et spirituel, certes, mais aussi juridique, législatif, de gouvernance, etc. Il s’est transformé également en pouvoir temporel, gestionnaire de bâtiments et d’œuvres diverses… Cela n’a-t-il pas érodé l’autorité de la bonne nouvelle jusqu’à devenir domination sur les âmes et les corps ? Certains de ses ministres ont alors pu utiliser ce pouvoir pour arriver à leurs propres fins ou pour couvrir l’intolérable afin, pensaient-ils, de préserver ce pouvoir. Les abus sexuels, en effet, sont presque toujours, en Église, précédés par des abus spirituels, des abus de conscience et de pouvoir. L’abus de pouvoir peut alors prendre toute sa mesure à travers la manipulation, les mensonges, les injonctions paradoxales, les tromperies, les culpabilisations…

« Laisse-toi entraîner, secouer, défier (…) Lorsque tu sentiras le déclic, arrête-toi et prie. Lis l’Évangile, si tu es chrétien. Ou crée simplement un espace en toi pour écouter. Ouvre-toi… décentre… transcende. Et ensuite agis. » (p. 202)