Réflexion | 02.2022

« L’intention du Saint-Esprit est de nous enseigner comment on va au ciel et non comment va le ciel. »  Galilée

Difficile d’échapper ces temps-ci au volumineux ouvrage (600p) de Michel Yves Bolloré (frère aîné de Vincent Bolloré, magnat catholique des médias) et d’Olivier Bonnassies, polytechnicien, fondateur d’Aleteia[1], édité chez Guy Trédaniel, fin 2021 et qui connaît un bon succès de librairie (800 000 exemplaires vendus en 3 mois). La mort à quelques jours d’intervalle des deux jumeaux, vulgarisateurs scientifiques aux visages d’extraterrestres, Igor et Grichka Bogdanov a peut-être aussi contribué à au succès de l’ouvrage auxquels ils ont contribué. Il est en tout cas révélateur de l’esprit du temps cherchant une vision holistique du monde au risque de flirter avec le concordisme[2] et de ne pas respecter les compétences et méthodes propres à la science comme à la théologie.

Si le désir d’un dialogue entre science et foi est louable et porté aujourd’hui aussi bien par certains scientifiques que par les religions, en particulier l’Eglise catholique qui a, depuis longtemps, promu la recherche astronomique (cf. l’Académie pontificale des Sciences et l’observatoire astronomique du Vatican), il est important de rappeler, avec le philosophe Etienne Klein, qu « il est aussi absurde de vouloir prouver l’existence de Dieu que sa non-existence » [3] et avec le biologiste américain Stephen Jay Gould, la notion de non recouvrement des magistères (ou NOMA . non-overlapping magisteria) qui veut que la science s’occupe des faits observables du monde naturel tandis que la religion s’intéresse à la transcendance et aux valeurs morales et spirituelles. Il est inquiétant et préoccupant de voir aujourd’hui, en particulier avec les débats médiatiques liés à la pandémie du Covid, un recul de la rationalité scientifique et de la foi religieuse au profit de certaines croyances, voire crédulités faisant appel à des doctrines ésotériques.

Même si ce n’est pas l’objet de cet ouvrage qui cherche au contraire à rationaliser la foi en démontrant que les lois de l’univers ne peuvent pas se comprendre sans référence à un Auteur vu comme un grand Horloger, ce qui ne peut laisser insensible une certaine sensibilité, voire fierté helvétique.  Mais c’est prendre une hypothèse pour la réalité que d’admettre qu’il s’agit d’une preuve de l’existence de Dieu car les découvertes de la cosmologie comme celle de l’existence du Big Bang initial[4] restent des modèles se heurtant de toute façon à une limite qui est actuellement celle du mur de Planck empêchant de remonter jusqu’à l’instant initial. Confondre les deux registres de pensée de la science et de la foi est aussi absurde que les opposer. Le Dieu des chrétiens ne peut se réduire à une équation ou une cause première. Le respecter est un premier pas vers une connaissance juste et vrai de l’Etre.

                                                                                                                                                             Alain Viret


[1] Plateforme numérique de contenus catholiques soutenu par la fondation pour l’évangélisation par les médias et par le conseil pontifical pour a promotion de la nouvelle évangélisation.

[2] Le concordisme est un système d’exégèse consistant à interpréter les textes sacrés d’une religion de façon qu’ils ne soient pas contradictoires avec les connaissances scientifiques d’une époque. Il est l’apanage de certains courants évangéliques et musulmans.

[3] Dossier « Dieu et la science » in l’Express m°3677-3678 du 23 décembre 2021 au 5 janvier 2022, p.30-31.

[4] Développée par l’abbé Lemaître dans les années 1920 et attesté désormais par des observations expérimentales de l’univers en expansion.