Réflexion | 11.2023

Les récentes révélations dont les médias se sont fait très largement l’écho, de même que la publication du rapport de l’étude préliminaire sur les abus sexuels – qui malheureusement ne nous a pas surpris dans ses conclusions – ont de quoi nous ébranler et toucher notre confiance en l’Église. Comme beaucoup, je me sens meurtri, comme dans un corps gangrené, mis à vif par la souffrance (et la mise sous silence) des victimes en premier lieu, par la violence et la trahison des auteurs et d’une partie de l’institution ensuite.
 
Ce drame, associé aux si nombreux défis auxquels l’Église est confrontée – comme le souligne la démarche synodale actuellement en court – m’appelle à revenir à la source de ma vocation de baptisé, de théologien et de diacre : l’Évangile du Christ, victime de la violence humaine, mort et ressuscité. Ce retour, cette conversion à l’essentiel s’accompagne pourtant d’une question existentielle : Pourquoi est-ce que je reste ? Pourquoi est-ce que je continue à servir l’Évangile dans l’Église ?
 
Un verset retentit alors en moi : « Soyez toujours prêts à rendre compte à quiconque vous en demande raison de l’espérance qui est en vous » (1P 3,15).
D’abord mon espérance n’est pas une attitude béate et naïve du « tout ira mieux, car Jésus est vainqueur ». Je n’ai guère d’espoir humain en l’avenir de nos institutions, mais l’essentiel n’est pas là. Je crois en l’Église du Christ qui fait sien le cri des victimes, des plus fragiles et des exclus. En nous mettant résolument à l’écoute de ce cri, nous pourrons entendre la voix du Christ qui nous appelle à la conversion radicale, à la transformation ecclésiale.
 
Ensuite rendre compte m’apparait comme une exigence évangélique cruciale aujourd’hui. Il ne s’agit pas de justifier ou expliquer, pire encore d’excuser ou accuser, mais de penser la tragédie des violences sexuelles dans le cadre ecclésial. De la lire et de l’interpréter à la lumière de l’Écriture, de la théologie et des sciences humaines dans une démarche sans concession.
 
J’ai la conviction que le CCRFE comme centre de formation a le devoir d’offrir un espace de réflexion, d’écoute du réel et de la Parole de Dieu. Sans fard, sans tabou, sans idéologie ni agenda caché.
 
Rendre compte de l’espérance est une tâche exigeante, qui sera douloureuse mais absolument nécessaire si nous prétendons servir le Christ, Chemin, Vérité et Vie.
Mettons-nous ensemble au travail !

Philippe Hugo, Directeur CCRFE